Dans le pas de Jean Proal

LECTURE EN PUBLIC

Mardi 21 mai 2019 à 18h00
Médiathèque François Mitterand | 7 rue du Colonel Payan | 04000 DIGNE-LES-BAINS
www.mediatheque-digne.fr


Dans le pas de Jean Proal

A l’occasion du cinquantenaire de la disparition de Jean Proal, Digne-les-Bains rend hommage à l’auteur bas-alpin en programmant une lecture en public des extraits de son œuvre.

Cette lecture en public nous invite à cheminer aux côtés de Jean Proal, en empruntant les passages de ses romans et nouvelles les plus marquants, depuis son plus jeune âge jusqu’au dernier mot de son Carnet de route (inachevé).

Le choix de ces textes nous donne à entendre la parole fine et sensible de cet écrivain « doux sauvage », témoignant du lien fusionnel que Jean Proal entretint avec la nature et de l’acuité de sa présence au monde, aux autres, à soi.

Car Jean Proal possède ce regard profondément attentif et bienveillant que posent certains photographes sur le monde. Il cadre ce qu’il décrit dans un espace où le temps se dilate, offrant toute la place à l’observation du détail dans lequel se concentre l’âme du vivant.

Le poète dévoile ainsi le contour intime de la vie, qui détermine silencieusement chaque histoire particulière. Une écriture singulièrement originale, qui « oblige » gentiment le lecteur à percevoir ce qui existe au-delà des apparences.

Une échappée littéraire qui nous révèle aussi, en creux, ce que fut la vie de Jean Proal, le rapport singulier qu’il entretint avec la nature et, au travers de ses personnages, la valeur de toute humanité.

dans le pas de jean Proal
Jean Proal © DR

Hommage à Jean Proal

En février 1969 Jean Proal quittait cette terre et ce ciel, après des années de maladie – dans un esprit serein, disent les lettres de ses amis à Suzon, qui ensoleilla ses dernières vingt années. En 1962 il était déjà, comme l’exprime son dernier écrit, le Journal d’Al Sola, dans cette approche de sagesse.

Alors qu’il fut reconnu et encouragé par plusieurs figures remarquables du monde littéraire (Max Jacob, Jean Giono…) et de l’art (Hans Hartung, Mario Prassinos, Louis Pons, Georges Item etc.) il reste trop méconnu et abandonné !

Jean Proal lui-même était convaincu qu’il ne serait plus lu et plus jamais édité. Malgré la difficulté il n’en fut pas ainsi hier, et il sera honoré, cinquante ans après son décès – dans son département d’origine et ailleurs…

Anne-Marie Vidal pour l’association des Amis de Jean Proal

Extrait de Montagne aux solitudes

Je l’attends, appuyé à un chêne, et je sens le long de mon dos le rude toucher de l’écorce. Entre les arbres le ciel est comme un lac où le soleil a laissé une transparence dorée. Le vent du soir s’est levé des fonds et arrive en dansant sur les blés déjà hauts, se pousse entre les arbres, et me souffle au visage son haleine qui sent l’absinthe mâchée. De l’autre côté de la vallée, le plateau de Messiplane est une immense table sombre, lourdement posée sur la terre, dressée pour les dieux de la nuit. Au loin, vers le pont d’Aiguines, le Verdon luit doucement.
Je l’attends, et elle arrive, et mon sang frappe durement dans mon cœur, car je ne savais pas qu’elle était si belle. Elle arrive en courant, silencieuse sur ses sandales de corde, et son pas dansant n’arrache pas une pierre du chemin. Elle rit, d’un rire muet qui est autant le rire de tout son corps que le rire de ses dents ou de ses yeux.
Elle est dorée comme une alberge mure : ses jambes nues où courent avec les muscles des reflets d’huile blonde, ses bras nus, son cou nu et son visage. Quand elle pénètre sous les arbres, il n’y a plus que sa robe qui semble éclairée par le dedans et ses cheveux qui s’allument. La robe et les cheveux se sont approchés et elle est là tout entière. Toute la lumière du ciel est accrochée à ses yeux. Et toute la chaleur de la terre est maintenant contre moi.
Nous étions au milieu de la terre comme des Dieux, et le monde tournait sans bruit autour de nous.
Nous étions partout : dans le creux des chemins, au profond des bois, dans les olivaies dont chaque heure fait changer la couleur, dans les abris de la roche, au secret des rives touffues des vallons, dans les lavandes des hauts plateaux, lorsque l’odeur de lavande est une brume bleue qui confond la terre et le ciel.
Je sais la couleur de ses yeux à toute heure du jour et j’ai vu s’y lever toutes les étoiles de la nuit.
Je l’ai vue, couronnée de cytise, couverte de grappes d’acacia, semblable à une reine sauvage, danser dans l’aube d’un matin de juin. Je l’ai vue couchée dans le blé mûr un midi de juillet, et sa peau était plus mûre que les épis.
Je l’ai vue sortir d’une vasque du torrent, avec sa peau luisante et ses cheveux dénoués. Sur la roche dansaient des reflets, et les lueurs dansaient sur son corps immobile.
Je l’ai vue dans les vergers d’août, et je ne pourrai plus manger une prune éclatée de soleil sans croire mordre à ses lèvres.
Dans les vignes où septembre commençait à allumer son incendie sournois, je l’ai vue barbouillée de raisin noir comme un enfant glorieux.

Hommage à Jean Proal dans les Alpes de Haute-Provence

De mai à décembre 2019, le Département a souhaité rendre hommage à cet écrivain encore trop mal connu en s’associant à ces programmations littéraires, artistiques et culturelles. Cet événement révèle un foisonnement d’initiatives liées à l’oeuvre de l’écrivain, mais également au souci d’en partager sa mémoire, son talent, son histoire étroitement associée aux courants artistiques et intellectuels de la France dans les années soixante.

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