Les écrits de prison de Jean Zay au Festival d’Avignon
Du 6 au 25 juillet 2018 — 14h30
LA MAISON DE LA PAROLE | 7 rue Prévôt | 84000 AVIGNON
Durée : 1h00
Tarif : 14 € / 9 €
Réservations : 04 90 82 61 10 / 06 78 90 35 56
⇒ dossier de presse…
Les écrits de prison de Jean Zay nous plongent dans la vie du premier prisonnier politique du régime de Vichy
Jean Zay ne témoigne pas seulement de ce qu’il a connu au temps où il était ministre. Il témoigne, au présent, de ce qu’il vit dans sa cellule : la solitude, bien sûr, mais aussi la prison au quotidien.
Grâce à la correspondance quotidienne qu’il a entretenue avec son épouse Madeleine, mais aussi à travers de nombreux extraits de son grand livre Souvenir et solitude, Jean Zay nous offre le témoignage remarquable d’un homme attachant, éblouissant de talent, de finesse et d’intelligence, mais attentif et sensible, profond parfois. Victime d’une persécution totalement inique, Jean Zay vit cette injustice dans la sérénité du juste, au fil interminable des jours et des nuits de sa prison.
Son souci d’écrivain est de trouver les termes les plus exacts pour saisir l’impression fugitive, cerner le souvenir, nuancer le jugement, préciser la réflexion.
Les évocations du passé et l’analyse d’une expérience présente sont étroitement imbriquées, donnant lieu à des évocations prenantes, parfois poétiques.
Jeune et brillant ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts du Front populaire, antimunichois convaincu, Jean Zay fut l’objet de la haine acharnée de l’extrême-droite antisémite et anti-républicaine.
Accusé à tort de désertion par un tribunal militaire, victime du premier procès politique machiné par Vichy, Jean Zay fut jeté en prison pendant quatre années, avant d’être assassiné par la milice et poussé dans un angle mort de la mémoire nationale.
Les écrits de prison de Jean Zay constituent le témoignage poignant d’un homme injustement condamné, privé de liberté et de tout recours, mais qui résiste avec un espoir inaltérable, en dépit de la souffrance et du désarroi, évoquant la « solitude » du prisonnier avec les « souvenirs » de sa vie, si active en politique.
Pas un jour sans écrire
Outre son grand livre Souvenirs et solitude, ses romans policiers et ses nouvelles, les textes transmis à la Résistance, le plan d’un «ministère de la vie culturelle», Jean Zay a multiplié en prison les textes, les notes et les lettres.
C’était pour lui une nécessité vitale : il lui fallait écrire pour tenir.
Qui est Jean Zay ?
La carrière de Jean Zay avait été brillante. Député radical-socialiste du Loiret à 27 ans, en 1932, secrétaire d’État à 31 ans, il avait été nommé ministre de l’Éducation nationale par Léon Blum en 1936, alors qu’il n’avait pas 32 ans. Sa réussite à ce poste l’y avait maintenu sous les gouvernements suivants, jusqu’à la guerre. Il avait alors volontairement démissionné, pour être mobilisé comme les hommes de sa génération.
Cette carrière n’offrait guère de prise à la critique. Le ministre avait été unanimement apprécié. L’homme politique avait mis sa conduite en accord avec ses opinions : partisan de la fermeté envers Hitler, il avait fait toute la guerre comme sous-lieutenant adjoint au colonel commandant le train de la IVe armée.
Il résumait cependant tout ce que la droite vichyssoise détestait. Juif par son père, protestant par sa mère, ouvertement franc-maçon, il témoignait de la capacité de la IIIe République à produire un personnel politique compétent et responsable. Il n’avait été compromis dans aucun scandale et ne devait son succès à aucun marchandage politicien ; on ne pouvait le traiter ni par la condescendance comme les médiocres ou les indécis, ni par le mépris comme les lâches ou les affairistes.
On lui voua donc une haine froide, ainsi qu’à Mandel, et pour les mêmes raisons. Blum, Reynaud, Daladier, emmenés en Allemagne, survécurent à l’occupation. Mandel et Zay furent assassinés. Ce sont les seuls hommes politiques à qui Vichy ait fait payer de leur vie d’avoir incarné la tradition républicaine et la résistance à Hitler.
L’élimination de Jean Zay fut aisée. Le 19 juin 1940, alors que l’armistice avait été demandée et que les Allemands étaient à cent kilomètres de Saint-Pourçain où se trouvait son unité, Jean Zay avait quitté celle-ci avec l’accord de son supérieur pour se rendre à Bordeaux, où les Chambres avaient été convoquées. Partisan de poursuivre la lutte au cas où l’armistice aurait été refusée, il s’était embarqué sur le Massilia avec d’autres militaires et d’autres parlementaires, mais avec trois collègues seulement qui étaient à la fois l’un et l’autre comme lui : Mendes France, Viénot et Wiltzer. À l’arrivée à Casablanca, les quatre hommes qui n’avaient rien à se reprocher et n’imaginaient pas que les autorités militaires françaises puissent agir au mépris complet de la vérité et du droit se mirent aussitôt à leur disposition. On leur interdit d’abord, comme aux autres passagers, de débarquer du Massilia, puis on les traita en suspects ; au bout de deux mois, on les arrêta. Ils furent envoyés en France et traduits séparément devant le Tribunal militaire de Clermont-Ferrand. La hiérarchie des verdicts montre avec éloquence la véritable nature de cette «justice»…
Antoine Prost
Introduction de Souvenirs et solitude de Jean Zay (Belin, 2010)
UNE VOIX POUR L’OUBLIÉ
Les écrits de prison de Jean Zay
Une heure durant, Yves Mugler offre sa voix aux mots de Jean Zay. Pour une lecture de lettres et extraits de journal de bord d’un grand homme de l’histoire de France. Pourtant méconnu…
Une table de travail, quelques papiers épars et un homme. Universitaire, comédien ou ombre de Jean Zay. Un homme qui prête sa voix à ce politique que les manuels d’histoire oublient bien souvent. Député et ministre du Front Populaire, initiateur et défenseur de grands projets éducatifs et culturels, Jean Zay est loin d’occuper la place qu’il mérite dans la mémoire collective. La lecture qui nous est ici faite d’une sélection de lettres à son épouse et d’extraits de son journal de bord permet d’entrouvrir une porte sur sa grandeur.
Sa grandeur d’âme tout d’abord. Gardant confiance en la Justice malgré l’iniquité des tribunaux à son endroit. Ferme dans sa certitude d’oeuvrer pour le bien. Tel un phare qui devrait briller encore pour nous aujourd’hui. Grandeur politique ensuite, de celui qui a tant œuvré pour l’accès à la culture et à l’éducation. Au point qu’on lui doit aujourd’hui encore tant de notre quotidien, sans même le savoir. Grandeur personnelle enfin, de cet individu qui refusa l’adversité et toujours crut en l’humain, malgré la petitesse des hommes.
Alors il est urgent d’écouter les mots que nous donne à entendre Yves Mugler. Tout en sobriété et retenue, il fait briller la flamme de l’espérance en un monde plus juste. Sans pathos ni effet déplacé. Un geste, une esquisse, un regard. Et une voix qui lit, vibre et porte les mots de Jean Zay. Comme pour mieux les laisser prendre toute leur place. Méritée.
Karine Prost
Publié le 18 juillet 2018 dans http://www.ruedutheatre.eu
Partenaires
Lieu
La Maison de la Parole
7 rue Prévôt – 84000 AVIGNON
Sources bibliographiques
- Ecrits de prison, 1940-1944 de Jean Zay (Belin, 2014)
- Jean Zay, le ministre assassiné, 1904-1944 de Antoine Prost et Pascal Ory (Tallandier, 2015)
- L’affaire Jean Zay, la république assassinée de Gérard Boulanger (Calman-Levy, 2013)
- Souvenirs et solitude de Jean Zay (Belin, 2010)